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Les principes Broadbent pour la démocratie sociale canadienne
Nous aspirons à bâtir un Canada juste et équitable. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les valeurs égalitaires de la démocratie sociale.
De manière plus précise, nous concevons la démocratie sociale comme la somme des valeurs enchâssées dans le système des droits de la personne des Nations Unies, telles qu’elles sont énoncées dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits culturels, économiques et sociaux et la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Le Canada est signataire de ces deux pactes et il a fait sienne cette déclaration. Or les promesses inhérentes à ces trois engagements n’ont pas été tenues.
Toutes les personnes ont la même valeur et les mêmes droits – et toutes tirent parti du fait de vivre dans une société de plus en plus égalitaire. Pour tendre vers l’égalité dans un pays où l’économie repose sur le marché, il faut mettre en branle un processus durable de démarchandisation – c’est-à-dire qu’il faut cesser de concevoir certains services comme une marchandise – et faire en sorte au contraire que d’importants avantages sociaux et économiques puissent être soustraits du marché et transformés en droits universels, tels que le droit à des services de santé, le droit à l’éducation, au bien-être social et au logement. Cela suppose que tous les ordres de gouvernement assument un rôle essentiel dans la prestation de biens publics.
Pour parvenir à la stabilité économique, au plein emploi et à des emplois décents, nous prônons une économie mixte où coexistent propriété privée et secteur public, coopératives et organismes sans but lucratif. Comme le montrent certaines avancées économiques les plus prometteuses de ces dernières décennies, les investissements dans le secteur public constituent un élément décisif de l’entrepreneuriat et de l’innovation.
Une économie fondée sur le marché ne doit pas déboucher sur une société déterminée par le marché. En cas de conflit entre les droits de la personne et les droits de propriété des entreprises, ce sont les droits des citoyens qui doivent prévaloir.
Nous pensons que pour surmonter les crises auxquelles nous sommes confrontés – qu’il s’agisse de l’inégalité des résultats économiques, du racisme et de la discrimination, du changement climatique, de la dégradation de l’environnement, ou encore du déclin de la participation démocratique – il faut absolument compter sur un secteur public robuste et une société civile forte et dynamique.
À ce titre, la démocratie sociale canadienne devrait adhérer aux six principes suivants pour une action continue.
#1: Promouvoir non seulement les droits politiques, mais aussi les droits économiques et sociaux.
Les sociaux-démocrates estiment que les droits des personnes ne se limitent pas aux droits civils et aux politiques classiques – qui d’une importance cruciale – doivent néanmoins englober également le droit à la dignité, à une vie exempte de pauvreté où l’accès aux services essentiels est garanti. C’est pour cette raison que les sociaux-démocrates canadiens ont toujours été à l’avant-garde d’une conception plus large des droits, incluant les droits sociaux et économiques. Nous avons mené la lutte pour que des soins de santé complets soient considérés comme un droit, le dernier épisode de ce combat multigénérationnel étant la campagne pour un régime universel d’assurance-médicaments.
#2: Créer une économie verte qui ne laisse personne de côté.
Le changement climatique est ni plus ni moins une crise existentielle. Au fur et à mesure que l’économie mondiale se décarbonisera au cours des prochaines décennies, les sociaux-démocrates devront veiller à ce que cette transformation se traduise par de nouveaux emplois de qualité et à ce que les emplois des industries polluantes fassent l’objet d’une « transition équitable ».
#3: Comprendre le potentiel transformateur découlant de l’élection de gouvernements sociaux-démocrates donnant suite aux revendications de mouvements sociaux dynamiques.
Des changements sociétaux durables ne peuvent être instaurés que sous l’impulsion de la créativité et du dynamisme des mouvements sociaux et de l’élection d’éléments progressistes qui gouverneront pour le bien commun. Les sociaux-démocrates travaillent donc sans relâche en faveur de l’instauration de tels changements, et ce non seulement en période électorale.
#4: Renforcer la démocratie en milieu de travail, en respectant notamment le droit à la syndicalisation et en permettant au mouvement syndical de jouer un rôle fondamental.
Le mouvement syndical est l’une des rares forces démocratiques capables de freiner les excès du capital. À ce titre, les syndicats présentent des avantages certains pour l’ensemble de la société, et pas seulement pour leurs membres. À mesure que les lieux de travail évoluent, il devient plus important de répondre aux besoins essentiels des travailleur.se.s, comme les congés de maladie payés, nécessaires à la dignité. Les sociaux-démocrates devraient également permettre l’existence d’autres formes de démocratie économique, telles que les coopératives.
#5: Démanteler les systèmes structurels d’oppression.
Il faut s’attacher résolument à démanteler les barrières structurelles historiques et actuelles – y compris, sans toutefois s’y limiter, le racisme et le sexisme – qui empêchent les gens de vivre dans la dignité et de jouir de leurs pleins droits. La montée du populisme de droite et du sectarisme qui l’accompagne a rendu plus évidente que jamais la nécessité morale d’éradiquer le suprémacisme blanc. La pandémie a mis en évidence la nécessité de s’attaquer aux écarts salariaux persistants et à la sous-évaluation des emplois liés aux soins et à d’autres tâches sexospécifiques.
#6: Mettre pleinement en œuvre les droits et les titres des peuples autochtones et soutenir leur objectif d’autogouvernance.
Les sociaux-démocrates canadiens ont avec fierté appuyé les dirigeants autochtones dans leurs efforts pour que l’article 35 soit inclus dans la Loi constitutionnelle du Canada, afin que soient reconnus et réaffirmés les droits inhérents et intégraux des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans ce pays, y compris les droits des Autochtones, les droits issus des traités, les droits enchâssés dans la Charte et les droits humains. Alors que le Canada et certaines provinces s’apprêtent à inscrire la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans leurs lois, la décennie en cours est le moment où jamais de régler le problème du sous-financement des services essentiels et d’honorer enfin des promesses depuis trop longtemps différées.